Le 29 Avril 2000

Retrouvailles.

En fait, je l'ai revue hier soir. Jeudi, je l'appelle, et au fur et à mesure de la conversation, elle me dit : "mais c'est pas demain qu'on se revoit. Je croyais que c'était demain"... avec un ton de déception. Je lui dis que je viens bien samedi, c'est-à-dire dans deux jours --ou plutôt 36 heures. Je me tâte :
-Bon, je viendrai demain soir après être retourné chez moi changer d'affaires.
-Non viens directement, le gars qui te ramène en voiture ne peut-il pas faire un détour ?
-Bof, c'est pas trop sa route, mais surtout je n'ai plus d'affaires propres. Je remets déjà les chaussettes du début de la semaine alors... Tu veux que je prenne une douche avant de venir aussi, non ?
-Oui, d'accord...
Je suis donc arrivé hier soir vers 23h00. Avec un peu d'avance. Je réussis encore à la surprendre.

Le 28 Avril 2000

Maison.

Je n'aime pas partir, mais qu'est-ce que j'aime retrouver l'appartement. Il sentait le refermé mais ce n'est pas grave. La joie est trop grande de le retrouver. Je retrouve mon Univers.
Je ne sais pas ce que je n'aime pas dans le fait de partir. C'est peut-être de découvrir de nouveaux horizons. Une peur certaine de l'Ailleurs. C'est le fait de partir que je n'aime pas. Parce que sitôt parti, ça va. Le fait d'arriver aussi, de s'installer. Tout va. Par contre j'aime bien partir pour rentrer.
C'est peut-être aussi le fait de laisser ma copine seule. Elle est a 60 bornes de chez moi, donc déjà un peu seule, mais le fait de partir doit provoquer inconsciemment une rupture. Au téléphone, je le sentais bien que je lui manquais. C'est bon de se sentir attendu quelque part. De ne pas se sentir inutile à tout et à tout le monde. Les parents, ce n'est pas pareil. C'est de l'acquis. Je leur manque. Mais une autre personne. J'ai envie de dire une "inconnue". Se sentir aimé par quelqu'un qui ne vous connaît pas. Ou peu. L'assurance de plaire malgré ce qu'on fait. C'est peut-être ça qui est difficile. La peur de ne pas satisfaire l'Autre. C'est le lien qui se crée au bout de quelques années. Avec toujours cette peur partagée de franchir le pas : vivre à deux. Le réflexe de penser "nous" plutôt que de penser "moi". Le fait d'être séparés accentue le désir, quelqu'il soit. L'envie de "retrouver" l'Autre. C'est peut-être bon de partir un peu de temps en temps. Pas longtemps.
La seule vertu que je puisse trouver au "Partir", c'est le rare bonheur de se retrouver.

Le 27 Avril 2000

Postales.

Hier soir, je suis rentré assez vite de la promenade. J'ai réussi à trouver du courage pour descendre le village afin d'acheter quelques cartes postales. J'ai dit que je n'enverrais rien mais j'ai finalement trouvé que ce ne serait pas gentil de ne pas écrire à maman, papa, mémère, mon beau-père, un copain, ma copine.
Hier vers 17h00 donc, juste avant la reprise des conférences, un copain me demande de lui passer une carte. Il m'en reste donc 5.
Les exposés de statistiques ont vite eu raison de ma patience. Certains sont agréables à écouter, d'autres sont incompréhensibles dès les trois premières minutes. J'ai écrit mes cartes. Maman, puis papa et mémère. Le Havre aussi. La cinquième est pour qui ? J'hésite. Je refais de tête la liste des gens. Un copain, oui mais lequel. Pas de jaloux, ce sera ma copine.
Je lui dis rien de neuf, vu que je l'appelle tous les soirs (ou c'est elle qui me rappelle).
Les cartes sont arrivées le 3 mai. Les gens sont contents que je leur aie écrit. Ma grand-mère est rentrée de l'hôpital. Elle garde ma carte près d'elle. Elle dit au téléphone que c'est son "cadeau".
Il en faut peu pour rendre les gens heureux.

Le 26 Avril 2000

Promenade.

Dans les bois et montagne de la Savoie. Une grande promenade "officielle" comme les organisateurs nous ont dit. Voir le monolithe à à peu près une heure de marche. L'essentiel des participants ont fait cette virée en montagne. Des montés raides. C'est curieux, c'est que la descente parait tout de suite moins longue et surtout on a l'impression de descendre moins raide. C'est joli. On a eu le beau temps pour cette dernière promenade.
Pendant la descente, une fille s'est foulé la cheville. Des gens ont marché un peu plus vite pour venir la rechercher en voiture. Une route enneigée encore sur plusieurs centaines de mètres.
Les plus hardis comme nous avons repris le chemin raide pour descendre. En courant même... Pour rattraper ceux qui étaient censés marcher plus vite.

Le 24 Avril 2000

Prestation.

C'est aujourd'hui le grand jour. J'expose devant des gens inconnus (sauf les 4 présents de mon labo). Quelles questions vont-ils bien pouvoir me poser ? Est-ce que je vais plaire ? Est-ce que je vais réussir à me faire comprendre ?
Il fait presque beau aujourd'hui. C'est emmerdant de se lever pour être sûr d'avoir le petit-déjeuner. Avant 9h00. Surtout que les exposés commencent vers 9h30. Enfin, on s'accommode.
Les organisateurs nous avaient dit que la salle disposait d'un tableau et d'un rétroprojecteur. Un des auditeurs du matin s'engage dans un exposé exclusivement au tableau. Il est incompréhensible. La décision est prise. Je dois trouver des transparents vierges pour faire mon exposé.
Quelqu'un m'en donne gentillement 5. Un autre me prête des feutres. Je vais passer ma première après-midi à faire des transparents. Alors qu'il fait toujours aussi beau. Les gens regardent les balades montagnardes qu'il y a à faire autour du village. Moi je reste avec ma musique --j'ai apporté du Sandra-- et mes feutres colorés. Les gens passent autour de moi, jettent un oeil à ce que je fais, puis s'éloignent. Une heure pour tous les faire. Trois transparents. Avec des couleurs. C'est inhabituel chez moi : souligner et employer de la couleur.
La pause de l'après-midi. C'est à moi dans 5 minutes. Je m'installe. Je parle. 18 minutes et trente secondes. J'ai été trop vite. Je parle trop vite. Je ne regarde pas assez l'assemblée. Je ne sais pas encore bien utiliser les transparents et le rétroprojecteur. Une question du responsable de la session. Je sais y répondre. Trop facile. Je suis en vacances pendant une semaine maintenant.

Le 23 Avril 2000

Voyage.

Je n'aime pas partir de chez moi. Je dois aller à Aussois (en Savoie) pour un congrès de Mathématiques. Pendant une semaine. Je sais pertinemment que ça va bien se passer. Je n'ai pas envie de partir de chez moi, de mon environnement connu...
Le voyage en voiture est long. Surtout avec les gens qu'on doit prendre en route pour leur éviter de faire un détour. Les rendez-vous foireux.
Six heures de route, en comptant les pauses (essence et autres). C'est long. Surtout qu'on arrive de nuit (quasiment), par temps de brouillard, et qu'il a flotté tout le temps. Mon copiaule a gardé la clef. Je laisse mon sac dans la chambre d'un collègue. Je ne sais pas à quoi ressemble ma chambre. Je ne sais pas à quoi ressemble le gars qui va dormir avec moi pendant 5 nuits. Je nage dans l'inconnu. C'est ça que je n'aime pas en fait : l'Inconnu.
Heureusement que le repas est bon. Les gens sont jeunes. On joue aux cartes. Je vais me plaire ici. Je suis installé, le plus difficile est fait.

Le 20 Avril 2000

Trous.

De mémoire. De plus en plus fréquents. J'avais deux ou trois idées de ce que je voulais mettre dans le Journal aujourd'hui. Et devant la "feuille", plus rien, plus d'idées. Ça m'énerve.
Encore tout à l'heure en discutant avec mon prof. Impossible de retrouver le nom d'un théorème que j'ai étudié il y a deux ou trois mois. C'est terrible pour moi de perdre ma mémoire comme ça. Je ne sais pas quoi faire pour enrayer ce phénomène. Je m'efforce cependant de l'exercer tous les jours. Mais elle devient très sélective avec le temps.
Enfin, un des copains qui faisaient l'ours m'a appelé aujourd'hui. J'étais content qu'il appelle, après presque trois jours de silence --expliqués a posteriori. On a même mangé ensemble ce midi. Je le verrai peut-être demain, et ensuite on va être près de de deux semaines sans se voir. Comme ça, on aura des choses à se raconter...

Le 19 Avril 2000

Ours.

C'est ce qu'ont décidé de faire deux copains. Indépendemment l'un de l'autre en plus.
Le premier est comme ça de temps en temps. Il m'appelle juste quelques fois. J'aime bien quand c'est à moi qu'il pense. Hier soir, juste pour savoir si ma télé avait encore du son --savoir si ça venait de lui ou si c'était le réseau. La conversation a quand même duré 30 minutes. Il devait venir manger ce soir, mais encore des impondérables sont venus troubler cette soirée improvisée.
Pour l'autre, c'est une de ses facettes que je ne connaissais pas. Je pensais qu'il était comme ça. mais avec l'hiver passé ensemble, il m'était apparu plus social que je ne le pensais. Cependant, depuis quelques jours --le début de la semaine en fait-- il ne prend plus contact avec nous --un copain et moi. Il répond aux mails très brièvement, ne parle que peu au téléphone. Je le soupçonne d'avoir décroché son combiné chez lui pour ne pas être dérangé... Je ne passerai pas chez lui pour cette raison. Je vais peut-être rappeler pour voir si ça sonne toujours occupé.
Mais je viens d'y penser, il m'a dit hier qu'il donnait des cours loin de son bureau aujourd'hui. C'est peut-être pour ça qu'il reste muet. Enfin, je pense qu'il ne va pas très bien quand même. Ça m'inquiète un peu. Il est allé voir sa copine à Caen le week-end dernier. On a imaginé que ça s'était mal passé. Il a confirmé qu'elle allait bien. Il a dit aussi dans de smails précédents qu'il avait fait le point dans sa vie sur ce qui était important. Il va donc bien dans sa tête. C'est peut-être nous qui le gonflons, et il a décidé qu'on le laisserait tranquille à force de faire l'ours.
Il a réssi.

Le 18 Avril 2000

Belle-mère.

Elle est arrivée aujourd'hui. Ma copine est allée la voir. Elle est revenue assez mécontente. Sa mère avait déjà réussi à l'embringuer pour la journée du mercredi. Il faudrait qu'elle comprenne que sa fille a un concours vachement important dans maintenant moins d'un mois et qu'il faudrait la laisser travailler. Mais non. Elle veut que sa fille l'accompagne. Moi, je ne dis rien. Mais j'en parle avec ma copine : dès fois il faudrait qu'elle lui dise "zut". Gentillement. Surtout que sa soeur n'a rien à faire, elle. Ses examens sont terminés. Ce sont les vacances. Elle n'a pas de concours...
je ne sias pas comment ça va se passer. Il faut qu'elle travaille. moi aussi par ailleurs. Mon exposé est pour bientôt, et j'ai juste le plan. Mais 20 minutes, c'est court pour exposer le travail de deux ans.

Le 16 Avril 2000

Soeur.

On l'a reçue aujourd'hui, la belle-soeur. Pour manger. Ma copine était contente que je l'invite. Elles n'ont pas arrêté de discuter. Je me demande si je ne suis pas passé pour un sale beauf' aujourd'hui, à leurs yeux.
Je regardais ma télé quand elles parlaient de leurs semaines respectives, des fêtes de l'une, des journés de l'autre...
L'essentiel, quitte à être passé pour un beauf', est que ma copine soit satisfaite de sa journée.

Le 15 Avril 2000

Lingerie.

Aujourd'hui, c'est le retour de ma copine. Elle est revenue pour la semaine, parce que ce sont les vacances de la troisième zone.
Elle est arrivée vers 12h30. Je n'étais pas encore rentré chez moi. On a fait des courses avec un copain --et sa voiture surtout-- toute la matinée et en plus il nous a payé à manger le midi.
Ensuite, après son départ, on est retourné en ville pour changer son cadeau de fête : un soutien-gorge. Je l'avais acheté le matin même avant de lui offrir, le premier avril. Mais il était un peu large. Alors elle a décidé de le changer (sans frais de toute façon). Nous y sommes donc retourné ce samedi après-midi.
Après une discussion téléphonique avec un copain, il m'a dit que j'aurais dû lui payer l'ensemble. Donc je l'ai fait ce samedi. Surtout que le string n'était pas cher. Elle l'a essayé dans le magasin. De grandes cabines d'essayage, où ils sont compréhensifs : ils laissent de la place pour deux personnes. Ça m'a étonné qu'elle soit capable de demander le string. Elle m'a dit par la suite que c'est ma présence qui lui avait donné le courage de demander à la vendeuse. Elle était contente d'elle en sortant du magasin, et aussi contente de moi. Je me demande si c'est juste le week-end qui fait ça ou si toute la semaine va être aussi agréable.

Le 14 Avril 2000

Discipline.

Aujourd'hui, on avait une répétition de musique. Le copain qui cherchait est venu avec sa copine, qui se débrouille pas trop mal à la batterie.
Pour la première fois, on avait programmé notre soirée : Les portes du pénitencier, Marlène et Riders on the storm. On a réussi à se tenir à ça. Sans que personne ne s'égare. Pire, on se gueulait dessus dès que l'un de nous trois --la fille osait moins nous crier dessus-- commençait à faire complètement autre chose. On a bien avancé. Je me plante encore pas mal dans Riders on the storme. Je ne sais pas si je serai un jour capable de jouer un morceau plus difficile --ou un solo-- que ce qu'on fait habituellement. En plus je ne sais pas improviser.
Mais je sais que c'est du travail. Juste, je n'ai pas le temps de tout faire.

Le 13 Avril 2000

Tournoi.

Ce soir, il y avait un tournoi de badminton organisé par le service des sports de l'Université. Ma partenaire de badminton et moi avons décidé d'y participer, pour voir ce qu'on valait par rapport aux autres.
Ce qui est dommage c'est qu'en double mixte, il n'y avait pas beaucoup de monde, et les matchs étaient donc en élimination directe. On a gagné le premier, mais perdu le deuxième. Par contre, j'en ai profité pour regarder les "bons" jouer. Avec au moins quelques années de différence de tactique et de pratique. Il y avait des joueurs de Nationale 2-3 --ils ont perdu les matchs de barrage la semaine dernière. À la fin, on a même regardé la finale du double hommes classés. Avec de vrais volants en plumes, ceux qu'on "fusille" en moins de dix minutes.
Ma partenaire allait me ramener chez moi quand l'entraîneur nous a demandé de rester pour le pot final. On a bu un ou deux verres d'un vin blanc pétillant. Mais il y avait aussi des boissons non alcoolisées. On est reparti vers 22h30.
Aussitôt rentré, j'ai appeléma copine. Je l'ai réveillée, mais on a parlé plus de trois quarts d'heure. Elle voulait que je lui raconte des anecdotes. Elle n'avait pas trop le moral parce qu'elle venait d'avoir le résultat de son concours blanc de mathématiques. Une note correcte pour un non-spécialiste, mais pas pour elle. Elle voulait que je lui remonte le moral. Je lui ai dit --comme dit un copain qui ne bosse pas les partiels mais que les trucs importants-- que le blanc, on s'en foutait. Elle sait qu'elle vaut mieux. On a aussi parlé de nos journées : elle de son sport, à faire des pyramides humaines, et moi de mon exposé assez raté.
Elle revient demain pour toute une semaine.

Le 10 Avril 2000

Curieux.

Oui, je le sais, je suis curieux. Ma grand-mère me l'a toujours dit. Les enfants curieux sont les enfants éveillés. Toujours à poser des questions. Demander pourquoi ci, pourquoi ça ?
Je m'en suis rendu compte il y a quelques années, alors que je me promenais avec un cousin qui avait trois ans à l'époque. Qui posait toujours la question "pourquoi ?". Au début, on pense que c'est parce qu'il sait qu'avec cette question on va lui faire une réponse. Les parents ne répondent pas toujours. Moi, je lui ai répondu. Il est maintenant un peu en avance dans sa classe. En maths, il s'ennuie. On en a parlé avec ses parents, pour peut-être lui faire faire des tests...
Le tout étant que moi aussi je posais des tas de questions. Mes parents répondaient rarement, mais avec ma grand-mère, ça allait. Je me souviens l'avoir empêchée de travailler tout un après-midi pour m'expliquer les départements français grâce à un jeu. Une curiosité précoce, pour les sciences surtout. Maintenant je tâche de la développer pour les lettres, avec un peu plus de mal. Et de temps. Et moins de mémoire.
Je suis en train de lire le journal érotique d'une internaute. Je viens même de lui faire un mail anodin pour qu'elle corrige une faute. Elle était devant son écran. Elle m'a renvoyé une réponse. On vient d'échanger trois-quatre mails. Et j'espère que ça continuera. Elle me raconte un peu sa vie, me dit qu'elle est trop bavarde, mais j'en suis un autre. Un contact facile et efficace. Je crois qu'elle est aussi curieuse que moi. Et c'est pour ça que l'on s'écrit.
Ma curiosité s'est un peu déplacée vers le champ de la curiosité malsaine, celle qui fait naître les ragots sur les uns ou les autres, toujours à maquereler sur leur vie. En train de demander par mail à un copain comment sa copine et lui s'appellent dans l'intimité. Il faudrait que je me calme. Tout le monde n'est pas intime avec moi.
Je crois qu'inconsciemment, c'est ce désir de tout contrôler. Si ma page web n'avance pas vite c'est parce que je veux connaître javascript avant de continuer, pour optimiser la navigation avant tout. Rendre tout accessibe, et vite. C'est pour ça aussi que je veux apprendre à me servir d'unix. Une envie de tout faire. Des histoires aussi, écrire. Mais je manque de style et surtout de vocabulaire. Parce que je ne retiens que ce qui me plaît comme mots. Et pas les plus justes. Une mémoire sélective. je ne sais pas si ce journal m'aide dans cette quête : ce n'est pas en écrivant que j'apprendrai du vocabulaire. Par contre il m'aide à faire le point. J'ai toujours eu un peu de mal à comprendre les gens qui disent qu'ils veulent s'isoler un peu peu "pour réfléchir". Ça veut dire quoi ? Qu'ils vont s'asseoir dans un coin, à penser à leur problèmes ? Ou alors qu'ils veulent être seuls et aller faire autre chose ? Le journal m'aide à faire une introspection. Je me fais penser à ma prof de français de première, qui nous parlait de les Confessions. Maintenant je crois que je comprends. Et aussi cette excuse de Rousseau, au début, sur la mémoire sélective, et faillible.
Je comprends toujours les choses. Juste il me faut quelques fois du temps. Pour certaines choses, je suis juste un peu plus rapide c'est tout. Mais les maths aussi sont longues à comprendre.

Le 7 Avril 2000

Récupération.

Hier soir, je rentrais de la fac vers 23h00. Toujours par la route habituelle. Un copain m'avait envoyé sur les roses quand je lui avais demandé si je pouvais passer chez lui. Je rentrais donc seul. Le premier jeudi de chaque mois, ce doit être le jour des objets encombrants : les gens mettent devant leur porte les gros objets dont ils n'ont plus besoin.
C'est alors que je vois passer un vélo avec une carriole accrochée derrière lui. Je me dis "celui-là, il récupère des trucs dans les poubelles des gens". Ça n'a pas loupé. À chaque nouvelle poubelle, il cherchait un peu --à vue en fait-- des objets susceptibles de se revendre ou de servir. Sa charette était déjà remplie de planches et d'une friteuse.
J'ai pensé à mon grand-père, qui lui aussi ramassait les objets des autres. Il allait au dépotoir pour y apporter des vieux trucs, et il revenait avec plus de choses. Je le voyait ramasser des morceaux de ferraille par terre. Les mettre dans sa poche. Je l'entends encore me dire avec son sourire malin : "quand j'en ai 500 kilos, j'appelle le ferrailleur qui me la prend pour 500 francs". J'ai gardé ce réflexe, de ramasser les trombones par terre, les élastiques, les images malabar. Je me surprends à ramasser aussi les morceaux de métal. Mais moi, je les garde pour moi.
Et pépère me regarde d'"En-Haut".

Le 6 Avril 2000

Soleil.

Aujourd'hui c'était le jour de l'agrégation. J'y suis allé quand même. Malgré le peu de temps que j'avais à y consacrer.
Après, je suis rentré à la fac. Pour y lire le mail et y faire des maths --du moins avec l'intention de. C'est sûr qu'après six heures intenses de maths, j'ai surtout lu du mail et surfé un peu. Mais vers 18h00, alors que je tentais désespérément de trouver quelqu'un pour rentrer, il m'est venu l'idée de prendre un papier et un crayon. Pour y faire des maths.
Le temps était splendide, avec une petite brise qui rafraîchissait le bureau. Il faisait bon. J'avais de la bonne musique dans mes oreilles. Mon coburaliste était rentré. J'étais seul. Avec mes maths. Et puis le soleil qui donnait sa lumière.
Vers 19h00 je me suis arrêté de chercher. Pour voir la lumière solaire quitter le bureau à vue d'oeil, avec l'ombre du bâtiment d'en face qui l'emplit doucement.
Je suis retourné en salle info pour y faire du web. Une bien belle journée qui avait mal commencé s'achève.

Le 3 Avril 2000

Raccroché.

J'avoue, j'écris ce jour après coup, quand la "colère" est passée. Je ne sais pas si je vais me souvenir de tout. Je crois que l'âge se fait ressentir de plus en plus sur ma mémoire. À moins qu'elle ne manque tout simplement d'entraînement.
Un petit test : je vais raconter ce qui s'est passé ce jour donc, avec le recul de 3 jours entiers, et aussi les faits qui ont précédé. Vendredi, un copain descend manger avec moi, et en profite pour m'installer un jeu sur mon compte informatique à la fac. Il me demande seulement mon numéro de fax parce qu'il devait recevoir des papiers importants l'après-midi pour une de ses amies choriste qui devait partir en Angleterre le 3 avril. Je le lui donne. Tout se passe bien. On va jouer de la musique le soir même, mais les fax ne sont pas arrivés. Ou alors si ils sont arrivés, ils ne sont pas dans ma boîte aux lettres --c'est la secrétaire qui s'en occupe, et elle était peut-être déjà partie lorsqu'ils sont arrivés.
Lundi midi, je ramasse le courrier. Un ordre de mission pour mon voyage/exposé à Aussois, le programme des séminaires à venir au mois de mai. Et aussi un paquet de feuilles attachées par un trombone. Je me demande ce que c'est. Les fax. J'y pense enfin. Je me demande bien ce que je vais pouvoir en faire.
Je tente d'appeler mon copain à son bureau. Un de ses collègues me répond qu'il sera absent pour le reste de la journé : il aide quelqu'un à déménager. Il me propose un numéro de portable où je peux le joindre. Je l'accepte, malgré ma non-envie d'appeler quelqu'un que je ne connais pas, en plus sur un portable. Je le fais quand même assez vite, mon envie de travailler se dissipant à cette heure. Une femme me répond, m'informant que mon copain est "en bas" (?). Elle me demande si il doit me rappeler. Je lui dis que oui.
Il rappelle une grosse demi-heure plus tard :
-Yo.
-Yo.
-Comment as-tu eu mon numéro ?
-Je t'ai déjà dit que j'étais une star internationale quand je voulais avoir un renseignement.
-Ouais mais les fax c'est pas important au point de déranger les gens chez eux, sur un portable en plus pour juste un truc comme ça.
Je pense "rendez service"...
-Oui mais tu m'avais dit vendredi que c'était très important. Alors je te contacte pour te demander ce que j'en fais.
-Ben rien. Bon j'ai pas trop le temps c'est sur un portable qui n'est pas à moi.
-O.K.
Vers 17h00 il me rappelle à mon bureau. Je lui dis de rappeler dans 10 minutes car je suis en train de discuter mathématiques avec mon prof.
Un quart d'heure après, il rappelle pour me gueuler dessus, comme quoi ça ne se fait pas de déranger les gens comme ça. Je lui dis que j'ai fait ce que j'ai pu, j'ai cru que ces fax étaient importants, que la prochaine fois ses fax, j'en ferai du PQ... Il me dit que je peux déjà. Il n'en a plus rien à faire de ces fax. La fille est partie ce matin. Il commence à crier après son lave-linge... Il me rappelle 10 minutes plus tard... Pour me raccrocher au nez. Je patiente, commençant à lui chercher des excuses pour lesquelles il aurait pu raccrocher, genre "son combiné est à cours de batterie", "sa mère vient de débarquer", "son lave-linge fait encore des siennes"...
Je rappelle :
-C'est toi qui a raccroché ?
-Oui.
-Pourquoi ?
-Parce que t'es chiant.
-Ah ! Bon. Et je raccroche à mon tour. C'est la première fois que ça m'arrive. Ça ne me ressemble pas du tout. Aussitôt après avoir raccroché, je me suis demandé si c'était moi qui avait fait ça. J'en ai parlé autour de moi. On verra bien demain.
Les dos de ses fax m'ont servi de brouillon.

Le 2 Avril 2000

Oie.

Est-ce que j'ai eu une vision ? J'ai cru voir une oie sauvage en revenant en train d'Épinal. Je ne saurais dire. Un oiseau qui prend son envol lourdement, surpris dans son repos par le bruit de la machine. Je le vois encore s'envoler lentement entre les branches que le vent et la tempête ont renversées en décembre. Les hommes n'ont pas encore touché à cet endroit. Je me sens bien en la voyant. Je me persuade que c'est une oie. J'aime bien cet animal.
Les voisins de ma grand-mère maternelle en avaient une. Elle est morte il y a quelques annés. Ils me l'avaient annoncé dès que je les avait vus : "l'oie est morte". Je n'ai pas pleuré. Mais j'aimais bien lui faire "couacouacouacouac" le matin. Même de la fenêtre de ma chambre. Au Havre, je faisais le même bruit aux goélands. Ils me répondaient, mais pas aussi clairement que mon oie. Elle était brune, et toujours propre, malgré la boue que ses pattes palmées pouvaient faire dans le parc. Avec un popotin qui se dandinait de droite à gauche puis de gauche à droite quand elle se déplaçait. Je crois que je n'avais pas peur qu'elle me pince. Je la regardais souvent en train de manger. Les animaux ont peut-être ce seul plaisir : manger. Alors je lui donnais tant que je pouvais. Je savais qu'elle mourrait de sa belle mort de toute façon. Passé un an, elles sont trop impropres à la consommation. Donc je ne nourrissais pas mes voisins, mais bien leur oie. Elle me faisait un "couaccouac" de remerciement, et je lui répondais. Je ne parle plus aux animaux maintenant. Il n'y a en a pas dans les grandes villes...

Le 1 Avril 2000

Taxi.

Juste une idée derrière la tête. Aller plus tôt à Épinal pour y voir ma copine. Surtout qu'on a prévu d'aller voir Taxi 2. Le film prendra sur le temps où l'on sera ensemble, alors le but est bien d'y aller plus tôt pour rester quand même ensemble. Je crois que je calcule trop mes actes. Pourtant je leur laisse le temps de venir. On était trop heureux de se revoir. Pourtant, ça avait mal commencé : elle arrivait en retard à la gare pour m'attendre. Conclusion, c'est bien encore moi qui l'ai attendue.
En effet, je sors du train, pas de copine. J'en vois deux qui sont eux aussi très heureux de se revoir. Je pense à nous et à un copain qui est loin de sa "Normande", restée à Caen. Je descends les marches --les quais sont en hauteur à Épinal. Toujours personne. Je profite du temps qu'elle me laisse pour prendre mon billet de retour. Mais le billet est pris et elle n'est toujours pas arrivée. Je sors du hall. Je regarde dehors. Il fait presque beau mais le temps se couvre. J'attends un peu sur le parvis de la gare. Je traverse et attends aux feux de carrefour de l'autre côté. Elle est très en retard, ça ne lui ressemble pas. Je m'inquiète un peu. Elle n'arrive toujours pas. Je ne sais pas quoi faire : aller la rejoindre, ou attendre. Je ne sais pas. Je ne la vois pas, ni par la droite, ni par devant. Je patiente encore quelques minutes. À trois heures je pars d'un côté.
Heureusement elle arrive nonchalemment de derrière. J'étais juste en train de réfléchir au fait de la disputer pour son retard ou pas. Elle a de la chance , elle arrive en bottes et en jupe. Elle sait se faire pardonner sans prononcer de paroles. Elle est très forte. Elle me connait bien.